Le regard de Frédéric Denhez, écrivain et conférencier

interview

Le regard de Frédéric Denhez, écrivain et conférencier

interview

Depuis 20 ans, cet ingénieur écologue de formation multiplie les livres, articles, conférences, expositions, émissions de radio et de télévision… Se définissant comme un vulgarisateur des questions relatives à l’environnement, il prépare actuellement un ouvrage consacré à notre système alimentaire. Alors, quelle est sa position sur la viande ?

Pour reprendre le titre bien connu du roman de Jonathan Safran Foer, faut-il manger les animaux ?

Je pense que chacun est parfaitement libre d’agir comme il l’entend. Ceci dit, ne l’oublions pas, nous sommes des êtres omnivores, nous avons besoin de manger un peu de protéines animales et la viande est également un plaisir à partager. Après, d’un point de vue éthique, est-ce bien ou mal ? Cela relève de la morale personnelle, qu’il faut tout simplement assumer de A à Z. En effet, élever, abattre et manger des animaux implique des responsabilités très concrètes : celles de les traiter dignement, d’en faire une viande d’excellence, puis de la préparer et de l’apprécier comme il se doit.

 

Le flexitarisme peut-il être une réponse aux maux dont est accusée la consommation de viande aujourd’hui ?

Tout à fait et, d’ailleurs, les Français sont de plus en plus nombreux à adopter le régime flexitarien. À l’époque des Trente Glorieuses, la consommation de viande était un marqueur d’ascension sociale. Aujourd’hui, on se distingue plutôt en privilégiant la qualité à la quantité et cette dimension culturelle me semble très importante. Acheter de la viande de qualité, c’est aussi favoriser les exploitations respectueuses de l’animal, de la nature, ainsi que des producteurs. Enfin, on ne peut pas accuser un produit, quel qu’il soit, de tous les maux : c’est l’excès qui est préjudiciable. Tout est une question d’équilibre, bien sûr.

 

L’homme est-il un animal comme les autres ?

Physiologiquement parlant, on peut sans doute le dire, car nous avons environ 90% de gènes en commun avec le reste du monde animal. Mais ce n’est pas le cas sur le plan cognitif, puisque nous sommes les seuls à avoir conquis l’ensemble des biotopes sur la planète, à développer des liens sociaux ou encore à avoir conscience des autres espèces, que nous ne percevons pas uniquement comme des proies ou des prédateurs. Aussi, s’il n’est pas illégitime de les manger, nous avons le devoir absolu de préserver leur pérennité et leur bien-être. D’autant plus que les élevages conduits dans les règles de l’art ont un impact positif sur l’environnement.

 

En quoi manger de la viande pourrait bien être la meilleure façon de défendre les animaux ?

L’idée est surtout que l’élevage permet de maintenir des races, qui n’existeraient plus sans nous, car elles seraient inutilisées, mais aussi des agroécosystèmes, qui disparaîtraient sans leur fumier. Il n’y aurait alors plus de polyculture/élevage, de prairies, de bio… C’est bien l’agriculture née à la fin du XVIIIe siècle, associant fumier, assolement et culture des légumineuses, qui a évité les famines. Sans oublier que l’élevage français à l’herbe est bénéfique sur le plan environnemental, puisqu’il contribue notamment à l’absorption du carbone. Au final, dans notre société, on rejette la notion de mort, mais elle fait pourtant partie du cycle de la vie.

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