Le regard de Paul Ariès, politologue, spécialiste de l’alimentation

interview

Le regard de Paul Ariès, politologue, spécialiste de l’alimentation

interview

Se présentant comme objecteur de croissance et amoureux du bien vivre, Paul Ariès a dirigé plusieurs médias, tout en multipliant les essais et conférences. Récemment, il a publié « Une histoire politique de l’alimentation - Du paléolithique à nos jours » (Max Milo) et « Lettre ouverte aux mangeurs de viandes qui souhaitent le rester sans culpabiliser » (Larousse).

Pour reprendre le titre bien connu du roman de Jonathan Safran Foer, faut-il manger les animaux ?

Consommer ou non de la viande, du fromage ou du lait relève d’abord de la liberté individuelle, mais parfois également de la santé publique. Végétariens et végétaliens me sont sympathiques lorsqu’ils ne cherchent pas à imposer aux autres leurs choix alimentaires. Dans le cas contraire, c’est contestable et les arguments avancés s’avèrent souvent discutables. Chacun est donc libre de choisir son régime alimentaire, tant qu’il ne menace pas le droit à l’alimentation d’autrui. Aussi, je défends les messages de santé publique recommandant aux parents de ne pas priver leurs enfants de lait maternel/maternisé au profit de lait de soja n’ayant pas les mêmes propriétés.

Le flexitarisme peut-il être une réponse aux maux dont est accusée la consommation de viande aujourd’hui ?

Il ne faut pas confondre la nécessité dans les pays riches de manger moins de viande, mais d’en manger mieux, avec le désir d’en finir avec toute viande, tout fromage et tout lait. Le vrai clivage n’est d’ailleurs pas entre protéines animales et végétales, comme le clament les végans, mais entre la production industrielle de celles-ci et une agriculture paysanne avec un élevage de type fermier. Je ne peux accepter l’idée de vouloir imposer du faux lait, du faux fromage, de la fausse viande fabriquée, par exemple, en usines, à partir de cellules souches. Je regrette que les consommateurs se soient déjà habitués à une viande euphémisée, ne ressemblant plus à de la viande.

Dans vos tribunes et lettres ouvertes, vous insistez sur l’importance de déculpabiliser les mangeurs de viande, pourquoi ?

Les végans ont raison de dénoncer certaines dérives de l’industrialisation, mais pas d’accuser les mangeurs de viande d’affamer l’humanité ou encore d’être responsables du réchauffement climatique, entre autres. Je le dis tranquillement : ils ont tout faux. L’agriculture végane serait d’ailleurs incapable de nourrir 8 milliards d’humains. La seule solution pour remplacer le fumier animal serait d’utiliser toujours plus d’engrais chimiques, de produits phytosanitaires… Bref, tout ce qui détruit l’humus. L’élevage fermier n’est pas davantage responsable du réchauffement climatique. Une prairie avec ses vaches n’est pas une source, mais un puits de carbone. Je rappelle aussi dans ma « Lettre ouverte aux mangeurs de viandes » que les protéines végétales ne sont pas équivalentes aux protéines animales.

Comment analysez-vous les attaques récemment émises contre les éleveurs, les abatteurs et les bouchers ?

Je connais bien ce dossier auquel j’ai consacré, voici 20 ans, un premier ouvrage : « Libération animale ou nouveaux terroristes ». À l’époque, je dénonçais certains réseaux, leurs actions et leurs méthodes, en mettant en garde contre cette violence trop souvent banalisée, si ce n’est légitimée par ces milieux. On nous explique que tout cela ne serait pas bien grave, qu’il n’y a pas de morts à déplorer, mais ces actes sont inacceptables.

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